Par lecoqgourmand
Il y a bien longtemps que la petite planète des commentateurs « gastronomiques » (je n’ose plus parler de journalistes) ne s’était pas agitée avec autant d’agressivité. L’objet de la polémique ? Un classement regroupant 1000 restaurants d’exception à travers le monde, La Liste, présenté comme une sorte de parade au ridicule « The World’s 50 Best Restaurants » qui n’est qu’une imposture médiatique grassement sponsorisée, entendant chaque année nous faire croire qu’il serait possible d’établir ce type de palmarès. Lecoq Gourmand en son temps vous a déjà tout dit de ce Top 50 téléguidé repris en cœur – c’est malheureux- par des confrères qui ont dû oublier ce qu’ils avaient appris à l’école : vérifier la source de l’information. Qui me parle ? Pourquoi ? Est-il crédible ? Passons. D’autant que de son côté, La Liste a été initiée par Philippe Faure, Ambassadeur de France, ex-président du Gault et Millau et actuel président d’Atout France, et qu’elle est cautionnée par quelques journalistes reconnus comme Jean-Claude Ribaut, Thibaut Danancher ou encore Jörg Zipprick.
Mais ce n’est pas une enquête journalistique à proprement parler puisque La Liste se présente franchement comme une sorte de synthèse internationale des classements et appréciations distribuées sur 5 continents par des guides, des sites et même des consommateurs puisque les commentaires en ligne ont été pris en compte à hauteur de 25% de la note. Il n’y a donc pas a priori d’humeur, de « cuisine à défendre », ni même de copinage puisque les infos sont moulinées par un ordinateur et que chacun des outils d’évaluation est cité en toute transparence. On connaît ceux qui ont été choisis pour la France (Michelin, Gault et Millau…), moins ceux retenus pour des pays aussi lointains que l’Afrique du Sud, mais les instigateurs de La Liste ont pris soin, nous disent-ils, d’interroger 150.000 professionnels sur le sérieux des 200 guides et sites retenus pour leur enquête. Libre à chacun d’en contester l’autorité –combien de chefs ont réellement répondu ?- mais après tout, pourquoi pas ? Tous les photographes choisissent la façon dont ils vont cadrer les vues qu’ils vont prendre, tous les sondeurs choisissent la façon dont ils vont formuler leurs questions… C’est le principe du genre. Le postulat est donc acceptable et il est à prendre pour ce qu’il est : une évaluation raisonnable.
Je ne vais citer ici aucun des établissements classés : ceux que cela intéressent les trouveront sur le site dédié –www.laliste.com- mais, pour résumer, je peux vous dire qu’il ressort de cette initiative deux ou trois tendances fortes : la Japon est le pays qui concentre le plus de bonnes tables et la France arrive en deuxième position devant les Etats-Unis. Constatant cette deuxième position sur le podium, certains ont cru y voir la seule justification de ce nouveau classement auquel ils ont aussitôt promis un bide. Veulent-ils nous dire que nos grandes tables n’ont pas les mérites que les sources choisies en référence par les créateurs de La Liste leur prêtent ? Veulent-ils nous dire que les guides Michelin et Gault Millau retenus comme étalons quasiment partout où ces deux guides proposent des éditions locales n’ont aucune légitimité ? Ne serait-ce pas ce point précis, qui réduit les opposants à « La Liste » au rôle de figurants ou d’acteurs sans influence, qui fait hurler au scandale ? Ou est-ce le fait que cette nouvelle cotation, adoubée par le Ministère des affaires étrangères et saluée par la presse généraliste, soit parvenue à obtenir le soutien de quelques sponsors tel que Nestlé ? Je vous laisse juges. Pour ma part, j’avoue que j’ai du mal à comprendre l’agressivité des commentaires publiés par des analystes qui sont autant commentateurs que businessmen. Et notamment le reproche qui est fait à La Liste de n’avoir retenu aucune « jeune pousse ». Un faux-procès parmi d’autres, puisque ce classement est une compile, pas un choix rédactionnel. La Liste n’est pas un guide d’humeur ou de découvertes et ne prétend pas l’être. Elle est à prendre pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une mesure de réputation au-delà des modes et des partis-pris. Sans plus. On ne peut même pas en contester le résultat, dire qu’un chef aurait mérité d’y être à la place d’un autre, que tel ou tel guide aurait mérité d’être pris en référence… Ce n’est pas le sujet puisque rien n’est caché. Alors soit l’on l’accepte comme crédible et utile, soit l’on s’en passe. Mais il n’y avait vraiment pas de quoi s’énerver, ni perdre son sang-froid. A titre personnel, j’avoue que de retrouver la France bien placée dans ce classement ne m’étonne pas. Elle n’étonnera d’ailleurs aucun chef à l’étranger qui savent tous ce que la gastronomie française -qu’ils ont presque tous côtoyée à un moment ou un autre de leur parcours professionnel- leur a apportée.
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