Par lecoqgourmand
Présenté comme l’un des plus vieux restaurants de France, comme l’un des plus prestigieux aussi : La Tour d’Argent fait partie de notre légende nationale.
Le chef Philippe Labbé arrivant à La Tour le 18 avril prochain, en remplacement de Laurent Delarbre, cette chronique affiche une date de limite de consommation à prendre en compte.
Et c’est vrai que l’on ne pénètre pas dans ce temple de la gastronomie parisienne sans un petit pincement au cœur. Effet kaléidoscope oblige, reviennent en mémoire tellement d’images façon « Jour de France » – des noms de célébrités, de chefs d’Etat, de stars hollywoodiennes…- ; tellement d’idées pré formatées aussi, entre additions terrifiantes et élégances contraignantes, qu’il arrive un moment, dans l’ascenseur, où l’on se demande si l’on va être raccord. Le voiturier en tenue de Palace, le groom en costume bleu roi puis les maîtres d’hôtel en habits qui vous accueillent comme des maîtres de cérémonie : la petite minute qui vous sépare de la salle de restaurant située au 6e étage de cette vénérable maison participe à cet effet théâtral.
Un restaurant théâtre
Et puis il y a la vue. On a beau l’avoir vu mille fois en photo : c’est comme voir une star de cinéma en vrai. Une fois assis à l’une des élégantes tables superbement dressées : le premier acte s’achève et la petite pression retombe. Avec d’autant plus d’assurance que l’équipe en salle – sans doute une des meilleures de France, une des plus psychologues assurément- n’a pas son pareil pour vous mettre à l’aise et vous guider sans jamais en faire trop, ni trop peu. Arrivent les cartes et menus et… l’impressionnant livre de cave conçu par le chef sommelier David Ridgway, riche de 2400 références puisées dans l’une des deux ou trois plus belles caves de France avec plus de 350.000 bouteilles ! A la carte ou au menu ? C’est une affaire de budget. Pour ma part, j’avais très envie de tester le menu du déjeuner à 85 € afin de pouvoir partager avec le plus grand nombre. Et je n’ai pas été déçu. Mieux, je suis tombé sous le charme une fois de plus, de cette adresse intemporelle qui non seulement tient son rôle à la perfection, mais respecte le convive sans jamais chercher à l’impressionner ni le berner.
Une cuisine au parti pris justifié
Séduit aussi par la fraîcheur de cette vieille dame, si chic et si naturelle. Côté cuisine, la partition se divise entre l’hyper classicisme et des plats de facture plus contemporaine imaginés autour de produits nobles pour l’essentiel, toujours de saison et d’une qualité irréprochable. Et cela « match » bien, très bien tant tout est cohérent. C’est le cas des fameuses quenelles de brochet André Terrail (du nom du fondateur de la Tour), radicales dans leur approche traditionnelle et leur absence de concession : mais touchant témoignage d’un genre bourgeois qu’il est bon de retrouver ici. Tout aussi réussi et même davantage, le filet de canette rôti accompagné de courge violon poêlée, d’un chutney de poires au miel de la Tour d’Argent, de billes de poires glacées et de pickles d’oignons rouges s’impose par une technique irréprochable, marque de fabrique des Meilleurs Ouvriers de France ; titre que porte avec fierté Laurent Delarbre, chef de la Tour depuis 2010. Qualité de la volaille, justesse de la cuisson, traitement général de l’assiette : rien n’est laissé au hasard. Tout comme pour les desserts qui s’inscrivent dans le même registre avec une tarte Bourdaloue, pomme poire toute en légèreté, simplicité et perfection.
Il faut y aller !
Vraiment, ce menu qui ouvre les portes de la Tour d’Argent pour un peu plus de 100 € – eau, demi-bouteille de vin et café compris- est une aubaine. Parce qu’il s’agit bien d’une adresse mythique, rare, d’une adresse remarquable, précieuse, qui cultive une certaine idée de la France en dehors des modes, d’une adresse prestigieuse aussi par son histoire, son emplacement, sa vue sur Paris et Notre Dame, sa cave, la qualité exceptionnelle de son service. Et qu’on ne s’y méprenne pas : ce n’est pas le musée Grévin de la gastronomie. Sous la houlette de l’élégant André Terrail – digne héritier de Claude et d’André son grand-père- : la maison a retrouvé une forme de fraîcheur qui lui assure encore de belles heures. A vous d’en profiter sans idée préconçue : vous serez surpris, croyez-moi, très positivement surpris.
Menus : 85 € hors boisson (dej uniquement) Carte : de 250 à 300 €
15 Quai de la Tournelle, 75005 Paris Téléphone : 01 43 54 23 31
Le menu à 85 €
Quenelles de brochet « André Terrail »
Potage aux racines de persil, ravioles aux bourgeons de sapin
Saint-Jacques en tartare, betteraves multicolores au citron noir
Saint-Jacques poêlées, déclinaison de choux
Bavette Black Angus, légumes rôtis, échalotes au vin rouge
Filet de canette de Vendée, courge violon et poire au miel
Tarte Bourdaloue, pomme poire
Allumette chocolat-caramel, crème glacée cacahuète
Prix hors boisson
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