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Je crois que l’on n’avait jamais vu un gouvernement s’intéresser autant à la gastronomie. Sans doute parce que le sujet est fédérateur et qu’en ces temps de crises des valeurs, nous avons là un repère bien utile pour caresser dans le sens du poil la fibre patriotique qui sommeille encore parfois chez nos compatriotes. Et bien même avec ce sujet facile, ce même gouvernement parvient à créer des foyers de polémiques. Nous avons eu l’opération Goût de France annonciateur d’une diplomatie de la gastronomie, il y a maintenant l’affaire de l’Hôtel de la Marine. Pour être honnête, elle ne date pas d’aujourd’hui et Nicolas Sarkozy avait dû en son temps y consacrer un peu d’attention. De quoi s’agit-il ? Depuis 2007, on savait que L’Etat-Major de la Marine (en place depuis 1789) devait quitter cette adresse prestigieuse (Place de la Concorde) pour rejoindre le « Pentagone français » du 15e arrondissement. Le bâtiment, c’est logique, devant être réaffecté. Je vous la fait courte. Nous sommes devant symbole de l’Histoire de France – c’est ici que fut déclaré l’abolition de l’esclavage en 1846-, riche de 24 000 m2. De quoi aiguiser tous les appétits, sauf celui du Louvre qui a refusé le bébé. Et le problème est venu du fait qu’une partie de la redistribution prévoyait une location d’un espace situé au rez-de-chaussée à une entreprise privée. Scandale ! Présidée par Olivier de Rohan,   l’association des amis de l’Hôtel de la Marine a déjà fait capoter par deux fois cette idée qu’elle estime sacrilège. L’Etat s’était adroitement débarrassé du problème en confiant à Valéry Giscard d’Estaing une mission sur le sujet, mais voilà qu’à la fin du mois de mars dernier, le Palais de l’Elysée a ravivé le feu en annonçant que, pour son ouverture au public prévue pour début 2017, l’Hôtel de la Marine serait partiellement consacré au « patrimoine gastronomique français ». L’idée étant faire découvrir aux touristes étrangers notre gastronomie classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. » Aussitôt dit, VGE, que personne n’a consulté bien-sûr, est monté au créneau déclarant au Point qu’il s’agissait d’une offense à la dignité de la France. « Imaginer, a-t’il dit, dans ce bâtiment chargé d’Histoire un présentoir des produits agroalimentaires régionaux, c’est atterrant ! Les gens ne viennent tout de même pas à Paris, dans ce lieu, pour manger des saucisses ! » Et Olivier de Rohan est reparti au combat pour la 3eme fois en déclarant de son côté que la formule retenue par l’Élysée n’était en réalité qu’une vieille recette concoctée par un certain architecte et un restaurateur monégasque», en référence à Jean-Michel Wilmotte et à Alain Ducasse qui sont désormais sur le coup. L’Association s’étonne par ailleurs que ce projet baptisé de « Palais Dame Tartine » puisse être conduit par le Centre des Monuments Nationaux, dont elle ignorait, jusqu’ici, la vocation et les compétences en ces matières. « S’agirait-il d’une « cuisine » destinée à détourner les règles s’attachant, notamment, aux marchés publics ? Nous rappelons, renchérit l’association, le principe de l’Etat impartial qui s’impose à tous. L’intérêt public ne doit pas être confondu avec des intérêts privés, y compris personnels, quels qu’ils soient. » Forts de 11000 signataires qui s’opposent à cette initiative, les Amis de l’Hôtel de la Marine ont décidé de faire appel à l’opinion publique, comme en 2010 et 2011. Devant cette levée de boucliers, l’Elysée a demandé à Martin Ajdari, ancien directeur de cabinet du ministère de la culture, d’une mission de coordination pour conduire à bien ce projet. Ou l’enterrer ?

 

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