Par lecoqgourmand
Gaston Lenôtre nous a quittés le 8 janvier 2009, il y a 5 ans. A 88 ans, le prince de la pâtisserie tirait alors sa révérence après une vie bien remplie. Avec lui, c’est une page de la gastronomie française qui s’est tournée. Une page riche en pâtisseries savoureuses, en réceptions fabuleuses et en centaines de vocations suscitées. L’homme, dont le nom est devenu une marque de prestige à l’international, avait avant tout l’amour de son métier et du travail bien fait. C’est ce qu’il a su transmettre mieux que tout autre. Il est entré dans la légende comme un seigneur de la fête. Lecoqgourmand.net revient sur son parcours extraordinaire.
Il aurait pu s’appeler Gaston Bonheur. Affable, souriant, l’homme aux paupières mi-closes et aux cheveux argentés, toujours tiré à quatre épingles, devait sa couronne à son travail, son talent et un enthousiasme peu commun qui lui permettaient de se lancer dans toutes les aventures. Il suffisait de le voir prendre la pose devant une pièce montée, lors d’une soirée de gala ou sur un plateau de télévision, pour comprendre que son plaisir était d’en distribuer. Sa veste blanche immaculée, rehaussée du col bleu blanc rouge des Meilleurs Ouvriers de France, était devenu un costume de scène qu’il portait avec une grande fierté. Il le pouvait. Gaston Lenôtre a tant œuvré pour sa profession qu’il en était devenu une sorte de ministre plénipotentiaire, une icône dont la présence, lors d’une manifestation, pesait beaucoup plus qu’une cerise sur le gâteau. Car, tout le monde le reconnaît, il y a eu un « avant » et un « après » Gaston Lenôtre. Ce qu’il a apporté à cette profession, et bien au-delà, au monde de la gastronomie tout entier, est considérable. Les témoignages et les anecdotes ne manquent pas. « Il a laissé beaucoup de choses qui, aujourd’hui, nous semblent acquises depuis toujours, commente Pierre Hermé. Ayant eu des parents pâtissiers, poursuit-il, j’ai pu observer ces changements de très près. Ils ne sont pas seulement d’ordre technique, ils sont aussi historiques. Gaston Lenôtre a énormément fait pour la reconnaissance de notre métier. »
Beaucoup plus qu’un pâtissier
En fait, Gaston Lenôtre a été beaucoup plus qu’un pâtissier : un prince de la fête à la Vatel. Il a magnifié une profession avec une foi qui déplaçait les montagnes. Son ambition n’avait guère de limite et ses prises de risque furent nombreuses. Certaines lui coûtèrent cher, très cher. Mais peu importe, il s’agissait chez cet homme d’œuvrer pour le rayonnement de la France à travers le monde, et d’hisser au sommet notre art de recevoir. Ses armes avaient pour noms « Succès », « Concerto », « Meringue d’Automne » ou « Tarte Eléonore », tarte aux pommes baptisée du nom de sa mère. Et son armée était constituée d’une équipe qui lui permettait d’être le seul à pouvoir aligner, en toutes circonstances, un bataillon composé des meilleurs professionnels, toutes disciplines confondues : pâtissiers, glaciers, confiseurs, chocolatiers, cuisiniers, maîtres d’hôtel, décorateurs… Des milliers de pros –jusqu’à 1500 lorsqu’il vend au groupe Accor en 1991- auxquels il a su transmettre son savoir, son état d’esprit, sa passion. Et c’est enfin dans la transmission de son savoir que ce professionnel remarquable aura écrit un des plus beaux chapitres de son existence. Inaugurée en 1978, l’école de Plaisir lui permettra de former des générations de pâtissiers. C’était sa joie. « «Quand j’étais apprenti, les chefs nous faisaient sortir au moment de la touche finale. Moi, en revanche, j’ai toujours souhaité transmettre mon savoir. Ne rien partager est la chose la plus bête et la plus stérile que je connaisse. »
« Ma plus grande réussite »
Dans un très joli texte écrit en 2004 pour un livre témoignages sur la retraite, il écrivait : « Je suis particulièrement fier d’avoir contribué à faire connaître la pâtisserie française un peu partout dans le monde, mais je dois avouer que ma plus grande réussite, c’est d’avoir réussi à monter un centre de formation. J’ai créé moi-même cette école Lenôtre où nous formons les pâtissiers de demain. Il faut transmettre aux jeunes générations son savoir-faire. Aujourd’hui, je continue à donner des conférences pour les apprentis. Je leur apprends mes petits trucs, comment monter une mousse ou comment bien réussir une charlotte. C’est mon plaisir. Je ne pourrais pas imaginer avoir tellement appris au cours de ma vie, avoir innové, inventé autant de recettes et ne pas avoir envie de les transmettre. La pâtisserie n’est pas un travail en solitaire, c’est une affaire d’équipe et même de famille. Mes apprentis sont un peu mes petits-enfants. J’aime leur contact. Ils me posent un tas de questions, ils me regardent parfois un peu comme une sorte d’icône, ce qui est très excessif. J’ai l’impression de me revoir à leur âge, quand j’étais un tout jeune apprenti. J’ai passé mon certificat d’études et j’ai été mis en apprentissage à 13 ans dans une excellente pâtisserie. Au CAP, j’ai été reçu premier avec 99 sur 100. Mon patron était si fier qu’il est venu me chercher avec sa voiture, une Hotchkiss. Ce sont des souvenirs qui me reviennent souvent en mémoire. Malgré les années qui ont passé, malgré la réussite, je n’oublierai jamais ces moments d’apprentissage, souvent durs, mais qui m’ont donné tellement de bonheur. Avoir appris et aujourd’hui apprendre aux autres, cela donne de la cohérence à ma vie. C’est une logique et une continuité. »
L’essentiel de l’héritage du grand pâtissier est contenu dans ces phrases. « J’avais quinze ans lorsque j’ai réellement rencontré Gaston Lenôtre pour la première fois, se souvient encore Pierre Hermé. A cette époque, j’étais apprenti. Un jour, on a demandé si quelqu’un pouvait se dévouer pour faire des crêpes lors d’une réception qui se déroulait au Pré Catelan. J’avais vu ma mère en faire à la maison et cela ne me semblait pas sorcier : je me suis donc porté volontaire. Le jour venu, je suis en train de me débrouiller comme je peux –c’est-à-dire très mal- lorsque Gaston Lenôtre s’approche de moi. Là, je me dis que je vais avoir droit à mon billet de retour pour mon Alsace natale, mais pas du tout. « Petit, je vois que tu ne sais pas comment on fait, me dit-il : regarde, je vais te montrer. » Et c’est ce qu’il a fait. » D’autres se seraient énervés. « J’avais de l’admiration et du respect pour lui, ajoute Pierre Hermé, lui me manifestait de la gentillesse. La dernière fois que je l’ai vu, c’était au Pavillon Elysée, en juin 2007, pour une réunion du club des croqueurs de chocolat. J’ai eu l’occasion de lui dire qu’il ne se passait pas une journée sans que je pense à tout ce que j’avais appris chez lui. »
Une immense générosité
Ce goût pour la transmission de son savoir témoignait d’une immense générosité, autre trait dominant de la personnalité de Gaston Lenôtre. Chroniqueur gastronomique du Figaro Magazine, Maurice Beaudoin s’en souvient. « C’était un homme d’une générosité comme il n’en n’existe plus, raconte le journaliste. Je me rappelle lui avoir dit un jour que j’étais étonné de ne plus trouver de bons cidres. Je ne sais pas comment il s’est débrouillé pour trouver l’adresse de ma résidence secondaire et savoir que j’y étais le samedi d’après, mais toujours est-il que trois jours plus tard, j’ai vu débarquer son chauffeur avec dix caisses en bois chargées de cidres ! Ce n’était pas une ou six bouteilles… Mais soixante ! Je les ai stockées dans une grange et je n’ai jamais pu toutes les boire ! Elles ont fini par exploser et les bouteilles vides y sont toujours…. » Maurice Beaudoin, qui s’était lié d’amitié avec le prince des pâtissiers, poursuit son portrait : « Ce qui restera de Lenôtre ? Bien sûr, les gâteaux qu’il a inventés, comme le Succès, mais c’était aussi un grand cuisinier. Je l’ai vu à l’œuvre un jour où j’étais invité à dîner chez des amis. La maîtresse de maison était catastrophée parce qu’elle avait raté sa sauce. Le plat principal avait bien trente minutes de retard : Gaston s’est levé, et, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il a sauvé la sauce. Il était passionné par la pâtisserie, le Pré Catelan et le vin. Quand il a racheté un domaine dans la Loire, il était regonflé à bloc et espérait fédérer les viticulteurs autour de lui pour remonter l’appellation Bonnezeaux où était situé son château. Il aurait pu le faire, car il avait des relations incroyables : il connaissait tous les hommes politiques, les grands chefs d’entreprise… C’était impressionnant. Mais les viticulteurs du coin n’ont pas marché. Il l’a beaucoup regretté. C’était quelqu’un de très agréable, un peu paternaliste… Il suivait chacun de ses employés et s’intéressait à leur progression au sein de son entreprise. Il les connaissait presque tous par leur nom. Ce qui m’amusait, conclu Maurice Beaudoin, c’est qu’il avait toujours un carnet de notes avec lui… Par exemple, quand nous parlions ensemble de ses affaires, il prenait des notes. Si quelque chose qui n’allait pas lui avait été signalé : il convoquait le chef pour reprendre dans le détail l’ensemble des griefs qu’il avait consigné… C’était aussi un grand mégalo total. Ce qu’il aimait avant tout, c’est qu’on le prenne en photo ! Plus encore que Paul Bocuse, il adorait être reconnu, signer des autographes… »
Une belle histoire d’amitié avec les plus grands chefs
« C’était un gamin qui, jusqu’à la fin, a gardé une extraordinaire capacité pour s’émerveiller, ajoute Jacques Chibois. Le chef de la Bastide Saint-Antoine, à Grasse, se souviens du pâtissier qu’il a connu par l’entremise de Michel Guérard, à l’époque où il était chef du Régine’s à Paris. Il nous dévoile une autre facette de la personnalité du pâtissier. « Quand j’étais chef du Regine’s , raconte-t-il, nous avons organisé beaucoup de réceptions autour des plus grosses stars du moment. Le gâteau était toujours réalisé par Lenôtre. Je me souviens que lorsque l’heure de le servir arrivait, je téléphonais à Gaston qui était chez lui, il enfilait sa veste, sautait dans sa voiture et il arrivait pour la photo ! Il m’a fait venir à Plaisir par amitié pour que je me perfectionne et c’est là que j’ai rencontré Francis Vandenhend qui était chef chez lui. Je l’ai encore croisé lors des croisières organisées par Gault et Millau avec Bocuse, Girardet, Guérard. Il a donné ses lettres de noblesse à la pâtisserie tout en l’améliorant, la perfectionnant. Son principe ? Que l’on ait envie de prendre une deuxième part de gâteau. Il a changé toute la conception de la pâtisserie, la façon de la faire, l’organisation. En même temps il a fait que l’on puisse mieux la stocker et qu’elle devienne rentable. Tout ça a permis aux pâtissiers d’apporter un soin supplémentaire à leur travail. Plus de finesse et d’élégance. Cela a aussi permis de gagner en qualité et une mise en évidence du talent du pâtissier. Grâce à lui, l’ouvrier pâtissier a été reconnu. Enfin, commente Jacques Chibois, il a compris qu’en se rapprochant des grands chefs, il allait évoluer plus vite. Ensemble, ils ont vécu une belle histoire d’amitié où chacun s’est tiré vers le haut. Gaston Lenôtre a apporté sa connaissance du métier de traiteur à tous ses grands chefs qui ont pu, grâce à lui, envisager leur métier autrement, en participant notamment à de grandes manifestations. Grâce à lui encore, nous sommes le seul pays au monde où il existe des traiteurs gastronomiques. » Le plus extraordinaire, dans ce parcours exceptionnel, c’est aussi l’enthousiasme que Gaston Lenôtre aura suscité auprès des professionnels de la maison Lenôtre, jusqu’à ses derniers jours. Quelques jours après sa disparition, le chef en titre de l’entreprise Lenôtre, Guy Krenzer, reconnaissait avoir eu beaucoup de chance. « J’ai rencontré monsieur Lenôtre il y a cinq ans, quand je suis rentré dans la maison, disait-il alors. Le plus extraordinaire, c’est que nous avons eu un vrai échange ensemble, pratiquement jusqu’à la fin : des discussions sur nos projets, des tests produits… Il avait le sens du partage et ses remarques étaient toujours très pertinentes… Il s’intéressait à tout ce que faisaient les industriels et on aurait pu penser qu’il était resté sur ses acquits, dans la tradition, mais il était très porté sur l’innovation il nous a toujours poussé en nous disant : n’ayez pas peur. Il avait le goût juste, sa personnalité était phénoménale, il était hyper pointu dans la dégustation, dans le goût… Il a été impressionnant jusqu’au bout. Le tout, avec cet esprit familial qu’il avait su insuffler à l’entreprise : ça n’est pas pour rien qu’il nous appelait ses « enfants ». Dès qu’il nous voyait, il avait les yeux qui brillaient. C’était beau à voir. Il avait un pouvoir incroyable pour mener ses équipes à se dépasser. Et puis il allait toujours de l’avant, l’Ecole, les premières licences avec Brossard, les boutiques à travers le monde… Ce n’était pas seulement un pâtissier. Il a su enfin s’entourer des meilleurs dans toutes les spécialités et c’est ce qui lui a permis, à Plaisir, d’avoir une maîtrise parfaite de l’ensemble de la production. »
Bruno Lecoq
Ancien président du directoire du groupe Lenôtre, Patrick Scicard était présenté par le pâtissier comme son fils spirituel. Patrick Scicard a raconté cette rencontre décisive dans son livre « La vie est une part de gâteau » publié en 2008 par les éditions Ramsay. Extrait.
« Entre Gaston et moi, écrit Patrick Scicard, le « coup de foudre » fut réciproque. Notre première rencontre eut lieu en novembre 1995, alors que j’étais toujours au Martinez. Un matin, vers onze heures, le téléphone sonne. C’est Paul Bocuse. –Etes-vous libre à déjeuner ? Je suis au Moulin de Mougins avec Gaston Lenôtre, il aimerait vous connaître. Comment oublier ce jour là ? Le soleil était revenu, aussi radieux qu’en plein été sur la côte d’azur. Une table avait été dressée par Roger et Denise Vergé sous la tonnelle de leur restaurant décoré de statues de César et d’Arman. Autour d’oursins et d’écrevisses à la nage, Bocuse me déconseilla d’accepter la proposition : « exceptés les fondateurs du groupe Accor, il y a peu de gens qui ont compris la sensibilité de l’entreprise, me dit-il. » A ses côtés, Gaston parlait peu. Il m’écoutait, m’observait. Comme aimantés par une curiosité réciproque, nos regards ne cessaient de se croiser. A l’instar de René Traversac, me confiant les rênes du château d’Esclimont, c’est à moi, plus qu’à mon parcours, qu’il semblait s’intéresser. Et ses yeux pétillaient, je le voyais, lorsque je parlais de mon père et de l’amour du métier qu’il m’avait transmis. De ces fois où, installés sur le canapé du salon, nous le regardions en famille à la télévision présenter ses recettes, ou découper, en direct chez Jacques Martin, la plus grande galette des rois du monde. Peu m’importait qu’à soixante-quinze ans, le petit pâtissier devenu star internationale connaisse une période de repli. Cinq ans plus tôt, Gaston avait dû, en effet, revendre la totalité de ses parts au géant de l’hôtellerie. Il se sentit ensuite progressivement mis sur la touche. Mais pour moi, rien n’y faisait : il restait « la » référence. L’homme que mon père admirait et dont la présence à cette table, continuait d’irradier. « Et vous, qu’en pensez-vous lui-demandais-je ? » « Foncez ! me dit-il. » Quinze jours plus tard, il m’invitait à passer un week-end avec Catherine, son épouse, dans leur propriété de Sologne, où il demeure désormais l’essentiel du temps. C’est là, à l’occasion de longues promenades au milieu de ses bois, et de discussions passionnées dans sa cuisine, d’où l’on aperçoit un étang, que notre « coup de cœur » de Mougins se transforma, malgré notre différence d’âge, en authentique et profonde amitié. L’une de mes premières décisions, lorsque je reprendrais Lenôtre, fut de le sortir de ce placard et d’en faire mon « conseiller spécial ». Plus que le retour au bercail de son fondateur, celui de son esprit, de son âme…. »
Gaston Lenôtre par lui-même
Extraits d’un texte écrit par Gaston Lenôtre il y a quatre ans, voici quelques confidences qui prennent aujourd’hui des allures de testament.
« Chez nous, la gastronomie, c’est génétique. Ma mère était pâtissière cuisinière chez les barons de Rothschild et mon père chef saucier dans un restaurant place de l’Opéra. On ne s’est jamais quittés et on a toujours travaillé ensemble, on était associés. La famille, pour moi, c’est sacré. C’est ma mère qui m’a poussé à racheter pour un million de francs la pâtisserie de mon ancien patron à Pont-Audemer. C’est avec elle aussi que je me suis installé rue d’Auteuil. Elle ne reculait pas devant les risques. Elle était devenue le chef de famille à la mort de mon père. Je suis resté très lié à elle jusqu’à sa mort. Et avec mon frère chéri qui était mon associé depuis le premier jour et qui l’est resté jusqu’à la fin. Aujourd’hui, c’est moi qui suis le chef de famille, je prends mon rôle de père et grand-père très à cœur. J’ai trois enfants et neuf petits-enfants et 5 arrières petits-enfants. Ils sont ma raison de vivre et de continuer à travailler. J’aime leur raconter tous ces souvenirs. Je les ai même couchés sur papier pour qu’ils connaissent l’histoire de notre famille. Une famille partie de rien simple et dont le nom aujourd’hui est renommé au-delà même de la France. J’ai toujours souhaité que mes enfants et petits-enfants et arrières petits-enfants sachent tout cela, qu’ils en soient fiers eux aussi et qu’ils continuent ce que nous avons entrepris avec maman. Je suis un grand-père très attentif, je passe du temps avec eux. J’en rêvais depuis 20 ans et J’ai aujourd’hui une belle maison en Sologne où je vis depuis 1975 lorsque je ne suis pas à Paris. J’aime y recevoir toute ma famille et mes amis. C’est merveilleux d’être tous réunis. »
« Si je me porte aussi bien à mon âge, c’est parce que j’ai mangé bio dès ma naissance, bien avant qu’on en parle. En Normandie, mon cher pays d’origine, on mangeait les fruits et les légumes du jardin, rien n’était trafiqué, tout était naturel. J’ai toujours été habitué à ces bons produits du terroir et j’ai toujours été très exigeant sur la qualité des matières premières de mes pâtisseries. L’origine des fruits est très importante, même lorsqu’ils sont transformés en mousses. Un bon fruit, c’est inimitable. Il fond dans la bouche. La simple dégustation d’une tartelette aux abricots devient un moment de plaisir. Le beurre aussi, c’est important. Il doit être onctueux. Je pourrais parler des heures entières de mes gâteaux. Aujourd’hui encore, je vais régulièrement dans notre laboratoire de fabrication à Plaisir. Je teste et je goûte les nouvelles recettes. Avant de lancer une nouvelle création, nous voulons être sûrs qu’elle soit parfaite. Je continue aussi à améliorer les recettes déjà existantes. Par exemple je viens d’alléger ma nougatine et ma meringue. J’ai gardé intacte cette volonté de perfection et cette passion pour les bons produits. Plus je vieillis et plus j’ai l’impression d’être exigeant. Je regarde autour de moi et j’ai souvent le sentiment que la qualité n’est pas la principale préoccupation. »
« Les jeunes me donnent la force et le courage de continuer. Je me sens comblé lorsque j’ai le sentiment que, grâce à moi, ils ont pu progresser. J’aime voir leur soif de travail. A mon âge, c’est une belle satisfaction de voir que l’on peut encore être utile, que les jeunes attendent de vous un enseignement. Je pense que le travail de toute une vie n’a pas été vain. Cela rend ma vieillesse plus heureuse. L’âge ne me pèse pas, au contraire. J’ai le sentiment d’avoir bien construit ma vie, pas pour moi, en égoïste, mais pour que d’autres prennent le relais. Dans le milieu de la pâtisserie, il y a ce sens de la solidarité et de la transmission. Je me souviens encore de mes années de perfectionnement à Pont-Audemer chez Tissot, un pâtissier connu. C’était très drôle. Tout allait très bien, et il m’a appris énormément, en particulier les macarons. Mais il était radin comme tout, et il m’a fichu à la porte parce qu’à midi je mangeais trop : deux microscopiques merlans ! J’avais 16 ans et bon appétit. Moi, j’ai toujours bien nourri mes petits gars (on les appelle comme ça en Normandie, ça m’est resté), apprentis ou, plus tard, compagnons. Ces économies-là, c’est minable. On commençait à 5 heures du matin, on travaillait en ce temps-là douze heures par jour, il fallait bien manger, tout de même. Je leur faisais un bon petit déjeuner et à midi un repas copieux. Ils s’en souviennent encore. Ils me disent, mes anciens : « Ah, elle était bonne, votre omelette aux champignons, Monsieur Gaston, on n’en a jamais plus mangé de pareille ! »
« C’est un devoir pour moi de respecter et bien traiter mes jeunes. Ils sont mon avenir. Ils sont les pâtissiers du futur. J’espère qu’ils travailleront pour faire oublier cette nouvelle civilisation du Mac Do. C’est horrible de voir cela en France ! Nous sommes un grand pays de tradition culinaire et nous laissons nos enfants manger ces cochonneries. J’espère que nos bonnes recettes ne se perdront pas totalement : les blanquettes, les pots au feu, les éclairs, les clafoutis ; c’est merveilleux, tout ce que nous avons inventé et que les autres pays nous envient. Je prends un exemple qui paraît tout bête : les enrobages glacés en chocolat, que l’on trouve autour des œufs de Pâques. On appelle cela « la couverture ». C’est très difficile à maîtriser. Je m’en sortais particulièrement bien. J’ai appris en 1936, quand je suis arrivé à Paris avec mon jeune frère Marcel, rue Sedaine. On bossait dur, mais je prenais du plaisir à faire de belles « couvertures ». C’était ma fierté. Je suis très attentif à ce que les apprentis maîtrisent parfaitement cette technique. C’est la finition, c’est ce qui fait la différence. Il faut absolument que cet art perdure. On nous parle de l’exception française en matière de cinéma ou de littérature. Mais il y a aussi une exception française en matière d’alimentation. J’y ai consacré toute ma vie. Aujourd’hui, je suis parfois révolté par la manière dont on nous considère, nous les pâtissiers et les traiteurs. Heureusement, depuis quelques années il y a un retour aux produits du terroir. Les gens veulent de l’authentique. Il faut leur apprendre l’exigence. C’est ce que nous essayons de faire et c’est ce que je demande à mes successeurs. »
« Il y a douze ans, j’ai eu un cancer de la prostate, j’ai été opéré et je vais très bien. Il suffit de le prendre à temps. Je n’ai pas peur de la mort, je n’y pense jamais. Je laisse tout en ordre pour ma famille. Ma première femme, qui a dirigé le Pré Catelan, a eu la moitié de tout, naturellement. Nous sommes restés en très bons termes. J’ai tout préparé pour mes enfants. Je n’ai aucun regret de rien et je pourrai partir le cœur en paix. Je crois sincèrement que je n’ai jamais causé de tort à personne, pour autant que je le sache. Quand on peut se retourner sur sa vie et se dire : « Tu n’as fait que ton travail et que du bien », on n’a pas peur de partir. »
Interview
Colette Lenôtre
Mariée au célèbre pâtissier pendant 56 ans, Colette Lenôtre a été de toutes les aventures et de tous les défis. Aux côtés de l’homme qui a révolutionné la pâtisserie en France dès le début des années quarante, elle a appris, travaillé, rêvé… et œuvré au succès d’une destinée hors du commun. Voici le témoignage exclusif que cette grande dame de la gastronomie française nous avait livré en 2009.
Lecoq Gourmand – Vous souvenez-vous du premier jour où vous avez rencontré Gaston Lenôtre ?
Colette Lenôtre – Bien sûr, c’était au début de la guerre à Saint-Nicolas-du-Bosc-l’Abbé, une petite commune de l’Eure dont son père était le maire. Mes parents y avaient une résidence secondaire et, vu les circonstances, ils avaient décidé de nous y installer. Je me souviens encore de monsieur Lenôtre père qui était un homme adorable. J’avais 16 ou 17 ans et Gaston est vite devenu un bon copain. Il m’a fait si bonne impression que nous nous sommes mariés en 1943 ! A cette époque, il avait terminé son apprentissage et il avait un emploi dans une petite boulangerie de Bernay. Une fois mariée, j’ai tout de suite travaillé à ses côtés.
L.G – Pouviez vous voir en lui, alors, l’homme qu’il allait devenir ?
C.L – Je l’ai vu assez vite. Lui n’avait qu’une idée : rester en Normandie. Moi, je pensais sans cesse revenir à Paris… Il m’a fallu du temps pour le convaincre car nous sommes malheureusement restés treize années à Pont-Audemer. On aurait pu aller beaucoup plus vite. Pont-Audemer était une petite ville avec un potentiel, mais pas suffisant pour que nous puissions nous développer. Cela marchait surtout l’été avec les résidents secondaires… Et c’est d’ailleurs auprès de cette clientèle que Gaston a commencé à se faire une réputation. Son amour pour la qualité était déjà une évidence et du reste, j’étais appuyée dans mon envie de revenir à Paris par ses clients qui nous incitaient à tenter notre chance dans la capitale. Ce que nous avons fait en 1956 ; nous avions trois enfants. Entre temps Gaston avait remporté beaucoup de concours régionaux, mais leur impact était limité sur notre boutique de Pont-Audemer…
L.G – Evoquait-il souvent son enfance ?
C.L – Oui. Il avait une adoration pour sa mère Eléonore qui avait été cuisinière pour la famille du baron de Rothschild avant de s’occuper de la ferme familiale. Mais comme je lui avais pris son fils, elle ne m’aimait pas tellement et avait un caractère très fort. Je m’entendais mieux avec son père qui avait été pour sa part chef saucier au Grand Hôtel de Paris… Je crois savoir qu’il était très doué.
L.G – Gaston Lenôtre a dit un jour : « Gaston, sans Colette, n’aurait jamais été Lenôtre ». Qu’entendait-il par là ?
C.L – C’est vrai qu’il a dit plusieurs fois : « Colette, c’est 51% de ma réussite ». Nous sommes restés mariés pendant 56 ans et je l’ai toujours poussé… J’adorais tout ce qu’il faisait et, quand nous étions à Pont-Audemer, je lui disais toujours : « avec l’or que tu as dans les mains, il ne faut pas rester ici. » Quand nous sommes partis à Paris, j’ai un peu choisi l’endroit de notre première boutique, rue d’Auteuil, que nous avons entièrement refaite à neuf. Je m’occupais de la boutique, des vitrines qui sont très importantes puisque c’est une vitrine bien faite qui met le gâteau dans le sac de la cliente. Je dois dire que Gaston avait énormément de talent et que nous travaillions en osmose. Tout est allé assez vite à partir de cette période. Gaston s’est rapidement mis à chercher un laboratoire plus grand pour pouvoir répondre à la demande et il l’a trouvé à Boulogne où nous avons également ouvert un point de vente
L.G – En 1957, vous ouvrez votre première boutique parisienne au 44 rue d’Auteuil : quel est l’état d’esprit d’alors ?
C.L – Gaston pensait à la réussite et nous nous sommes donnés les moyens pour y arriver. Je me souviens qu’il avait eu l’idée d’organiser une journée portes ouvertes pour son inauguration, ce qui était assez nouveau pour l’époque. Certains clients s’en rappellent encore aujourd’hui ! Nous leurs avions ouvert jusqu’au sous-sol du magasin et préparé un buffet pour qu’ils puissent tout goûter. Cela a beaucoup plu. Il faut dire que la rue d’Auteuil était un emplacement de rêve.
L.G – Quels étaient alors les points forts de Gaston Lenôtre ?
C.L – En dehors de la qualité des matières premières sur lesquelles il était intraitable, il se distinguait par la présentation très soignée de ses pâtisseries. Et il savait aussi manier le sucre. Dès notre arrivée à Paris, il a proposé des pâtisseries plus légères, il était sorti du « tout au beurre », utilisait la crème… Ce qui était déjà appréciable alors. Incontestablement, c’était un précurseur.
L.G – Les gâteaux Lenôtre ont-ils le même goût aujourd’hui ?
C.L – Hélas oui… Je suis tellement gourmande. La qualité et le goût d’autrefois sont restés.
L.G – Gaston Lenôtre est vite devenu l’ami des plus grands chefs…
C.L – Début 70, une douzaine de grands chefs sous l’impulsion de Paul Bocuse se sont regroupés avec Gaston dans le cadre d’une Association « La Grande Cuisine Française ». Gaston mettait à leur disposition sa connaissance de l’organisation de grandes réceptions. Cela a été le début de nos prestations en France et à l’étranger avec la participation des Chefs. Dans les Années 80, Paul Bocuse qui avait été sollicité pour aller à Orlando pour l’ouverture d’Epcot a expliqué à Gaston qu’il ne donnait pas suite à cette proposition… Parce qu’il ne parlait pas l’anglais ! C’est Gaston qui l’a poussé à accepter et ils sont partis là-bas avec Roger Vergé. Seul Roger, qui avait fait une partie de sa carrière au Kenya, parlait l’anglais. Cela a été le début d’une grande amitié.
L.G – En 1968 vous inaugurez de nouveaux laboratoires à Plaisir. Etiez-vous toujours « partante » ?
C.L – Bien sûr. Plaisir me semblait très loin de Paris, mais il avait raison. Comme en principe les camions partent aux heures où ça circule bien, je n’ai jamais eu peur. Et c’est comme ça que nous nous sommes retrouvés très vite à mille employés alors que nous avions débuté à sept. Ca, ce fut autre chose : les lois étaient compliquées et nous n’étions pas formés pour gérer autant de personnel. Il ne faut pas oublier que Gaston avait commencé à travailler à 14 ans et que j’ai débuté à ses côtés à 20 ans. Nous avons fêté notre millième employé avec fierté… Puis nous nous sommes retrouvés 1500 !
L.G – En dehors de la pâtisserie, l’entreprise familiale était devenue traiteur : quand avez-vous commencé cette activité ?
C.L – A notre arrivée à Paris. Tous les parisiens qui venaient nous voir l’été à Pont-Audemer sont venus nous voir et tout de suite ils nous ont demandé d’organiser des réceptions. Cela demande beaucoup de personnel et cela explique notre progression rapide…
L.G – Avez-vous en mémoire une des premières réceptions qui vous a marquée ?
C.L – Oui, il y avait plus de 500 personnes et cela se passait au Château de Versailles. Nous n’avions jamais travaillé dans une salle de cette dimension et je me souviens qu’il avait fallu équiper les maîtres d’hôtel de talkie-walkie pour que les plats puissent être apportés au même moment à chaque convive… C’était impressionnant.
L.G – Vous parlait-il aussi de ses recherches, de ses créations ?
C.L – A chaque fois. Je me permettais d’émettre des critiques, pas sur le fond de la recette. Je me contentais de lui dire si je trouvais ça trop sucré ou trop crémeux et je crois qu’il m’écoutait.
L.G – Pour vous qu’elle a été sa création la plus forte ?
C.L – Un spécialité qu’il faisait déjà à Pont-Audemer : le « Succès », à base de pâte d’amande et de nougatine. Je crois que ce gâteau a toujours autant de succès aujourd’hui, on y revient toujours. Je me rappelle que notre souci, c’était de trouver le papier nécessaire pour dresser ce dessert. Il en manquait toujours…
L.G – Gaston Lenôtre aura été un bon pâtissier mais aussi un bon public relation…
C.L – C’est vrai et cela a également commencé lorsque nous nous sommes installés à Paris. Nous étions bien avec Robert Hersant (propriétaire du Figaro) et cela nous a facilité les choses. Nous fournissions l’Elysée ; Marcel Dassault –qui possédait Jours de France- et Sylvain Floirat qui était propriétaire d’Europe N°1 nous ont également beaucoup aidé. Nous avons eu beaucoup d’articles dans le Figaro. Mais je crois que l’article qui l’a le plus touché est un article du Gault Millau. Le nom de Lenôtre avait été cité cinq fois dans un même magazine et cela était venu sans que l’on demande rien. Gaston était très fier de cette reconnaissance. Henri Gault et Christian Millau ont fait beaucoup pour Gaston en le plaçant au même niveau que les plus grands chefs de cuisine. Et puis il y avait la propriété que nous avons construite ensemble en Sologne. C’était une maison superbe entourée de beaucoup d’hectares avec une piscine que nous avions conçue pour recevoir nos amis et clients importants. Nous recevions toutes les semaines ; une fois des avocats, une autre des producteurs de Champagne… C’était très organisé.
L.G – Aviez vous des concurrents directs ?
C.L – Sans prétention, pas en pâtisserie. Il y avait bien entendu d’autres excellentes maisons mais elles n’ont pas fait ce chemin. En traiteur, il y avait Potel & Chabot que nous avons assez vite dépassé. En fait Gaston est resté seul à son niveau pendant près de quarante ans.
L.G – S’était-il vu des héritiers dans la profession ?
C.L – Je ne vois que Patrick Scicard, l’actuel président de Lenôtre. C’était son fils spirituel, il admirait sa clairvoyance. Il s’intéressait beaucoup aux jeunes, à ce qui se faisait… Je sais qu’il suivait par exemple le parcours de Pierre Hermé qui avait été son apprenti et qu’il en disait beaucoup de bien.
L.G – En 1971, c’est l’école : est-ce un projet auquel vous avez participé de près ?
C.L – Non, là, c’est lui tout seul. Un jour il m’a annoncé qu’il partait en stage en Suisse pour quinze jours afin de voir comment fonctionnait une école qui existait là-bas. Il en est revenu avec le directeur… Son projet a tout de suite marché, car il était entouré depuis toujours des meilleurs professionnels, notamment au niveau des décors en sucre. C’était des ouvriers particulièrement passionnés et dévoués, qui avaient tous conscience qu’il n’y avait que chez Lenôtre qu’ils pouvaient exercer leur talent dans de telles conditions. Il faut dire que nous avions la chance d’avoir des commandes ahurissantes et que pour quelqu’un qui cherche à s’exprimer, c’était idéal. Je me souviens d’une pièce montée qui était la reproduction à l’identique du Temple d’Amour à Versailles. Elle était somptueuse. Mais lorsqu’il a fallu la sortir du laboratoire –qui était encore à Boulogne- on s’est aperçu qu’elle était trop grande ! On a cassé la porte.
L.G – Avait-il des angoisses, des peurs ?
C.L – Non. Il était un peu stressé par l’obsession de la réussite. Il avait placé la barre très haut… Car ce que je n’ai pas dit, c’est qu’une fois arrivé à Paris, il ne l’a jamais regretté.
L.G – Comment Gaston Lenôtre réagissait-il devant les échecs ?
C.L – Notre plus gros échec personnel, ça été le manque de rentabilité. Pour maintenir la qualité au niveau où Gaston avait décidé de la placer, il nous fallait toujours plus d’espace et de personnel. La machine a fini par être trop lourde pour nous. Il y avait trop de choses à gérer en même temps, trop de contraintes… La masse salariale était devenue énorme. Malgré notre clientèle fortunée… et son aide –Marcel Dassault qui nous faisait faire des réceptions somptueuses nous a fait connaître à beaucoup de clients prestigieux à travers le monde- c’était difficile.
L.G – Et l’étranger ?
C.L – Gaston n’était pas chaud. Je me souviens que l’on avait commencé par refuser de s’installer au KDV à Berlin, une sorte de Bon Marché de luxe. C’était en 74 ou 75. On se disait que les allemands n’avaient pas les mêmes habitudes alimentaires que nous et que nous aurions du mal à assurer la qualité qui avait fait notre réputation en France. Ils nous ont fait venir une première fois pour une opération de promotion et nous avons reçu un accueil formidable : le maire de Berlin était là et pratiquement tout le quatrième étage du magasin –la partie vouée à l’alimentaire- nous était consacré. Gaston a discuté longuement avec les responsables et a posé comme condition qu’on lui construise un laboratoire. Ce qui a tout de suite été accepté. Nous y sommes retournés une deuxième fois, pour l’inauguration officielle, et nous avons une nouvelle fois été reçus de façon merveilleuse. Dès le premier étage, il y avait des maîtres d’hôtel en tenue qui portaient des cartons à gâteaux avec le sigle de la maison… J’en ai pleuré d’émotion. Lenôtre à Berlin existe encore aujourd’hui.
L.G – La chasse faisait partie de ses passions, avait-il d’autres jardins secrets ?
C.L – Oui, la belote. Jusqu’à son dernier souffle. Même à la clinique, il avait dit à Gisèle, sa gouvernante : « je vais rentrer à la maison pour que l’on joue »… Malheureusement, il n’en n’a pas eu l’occasion.
L.G – Parlez-nous de vos enfants…
C.L – Nous en avons eu trois. Le premier, Alain, ne s’est malheureusement pas entendu avec son père. Il est installé à Houston aux Etats-Unis depuis 25 ans. Il y exploite une école de cuisine et de pâtisserie. Nous avons eu ensuite deux filles, Sylvie, qui écrit des livres, et Annie qui n’a aucun contact avec la pâtisserie.
L.G – Lors de la vente au Groupe Accor en 92, quel était l’état d’esprit dans la famille Lenôtre ?
C.L – Quand nous avons vraiment réalisé que nous n’étions plus chez nous, cela nous a ébranlé. On s’est dit : « c’est fini, nous n’avons plus rien en mains… » Du coup, nous avons invité Messieurs Dubrule et Pélisson au Pré Catelan huit jours après pour leur faire une proposition de rachat à un prix supérieur que ce qu’ils avaient payé. Ils nous ont répondu qu’ils allaient en parler, mais le lendemain la réponse a été négative. Tant mieux, car nous n’y serions pas arrivés. Nous avions des relations excellentes avec eux, comme nous ils étaient partis de rien et je crois que pour Gérard Pélisson, Lenôtre représentait la marque de luxe dont il avait toujours rêvé. Ils ont continué à consulter Gaston au niveau de la qualité…
L.G – S’il ne fallait retenir qu’une chose ?
C.L – Nous avons passé 56 ans à nous dire : pourvu que l’on réussisse ! Et bien je crois que nous avons réussi à construire quelque chose de bien et que nous pouvons en être fiers. Nous y sommes parvenus grâce à son talent, un peu par mon suivi. Mon cœur est toujours dans cette maison et je pense qu’il y restera toujours.
Propos recueillis par Bruno Lecoq en 2009
Gaston Lenôtre s’était fait une réputation avec son gâteau Opéra… Absolument remarquable. Mais, contrairement à la légende, il n’était pas l’auteur de cette spécialité qui fût mis en vente pour la première fois, sous ce nom, par la maison Dalloyau, au milieu des années 50. Mais il y a polémique, car ce célèbre gâteau ne serait, selon certains spécialistes, qu’une réplique du fameux gâteau « Clichy », imaginé par Louis Clichy, qui vendit, toujours en 1955, son magasin du 5 boulevard de Beaumarchais et sa précieuse recette à Marc Bugat.
« J’étais pâtissier à Pont-Audemer, rappelait Gaston Lenôtre, et je travaillais sur des recettes de nouveaux entremets plus légers, mieux adaptés au goût moderne. Il existait localement un gâteau appelé Saint-Eve, à base de pâte meringuée et de crème au beurre. J’en ai réalisé une nouvelle version qui a très rapidement remporté un vif succès. Son nouveau nom était tout trouvé ! » Pris entre deux fonds ronds de meringue aux amandes, le Succès est garni d’une crème au beurre pralinée. La nougatine concassée qui incruste son pourtour contraste avec la neige du sucre glace qui poudre le dessus.
Pour 8 personnes
Préparation : 40 minutes. Cuisson : 1 heure 20
Pour les fonds de Succès : 5 blancs d’œufs, 190 g de sucre semoule, 110g de sucre glace, 90 g d’amandes en poudre, 4 cuillérées à soupe de lait. Pour la crème au beurre pralinée : 200 g de sucre en poudre. 8 jaunes d’œufs, 250 g de beurre, 100 g de praliné en poudre. Pour le décor : 100 g de sucre glace, 50 g de nougatine concassée.
Préparez les deux fonds de Succès. Montez les blancs en neige bien ferme en ajoutant à mi-parcours 20 g de sucre semoule : c’est la masse 1. Sortez les plaques du four et chauffez-le à 150°C (thermostat 5). Par ailleurs, mélangez dans un bol 170g de sucre semoule, 90 g de sucre glace, les amandes en poudre et le lait : c’est la masse 2. Versez un peu de la masse 1 dans la masse 2 et reversez le tout sur la masse 1. Mélangez rapidement avec une spatule sans trop travailler la pâte. Collez sur chaque plaque une feuille de papier siliconé, maintenue aux quatre coins avec une goûte de pâte. Dessinez avec un crayon sur chaque feuille un cercle de 20 cm de diamètre. Mettez la pâte dans une poche à douille de 2 cm de diamètre et remplissez les cercles de pâte en la poussant en spirale. Poudrez-les avec le reste de sucre glace. Faites cuire les deux plaques à la fois dans le four pendant 1 heure 20 en les intervertissant à mi-cuisson. Surveillez bien la cuisson pour ne pas laisser les fonds colorer trop vite. Sortez-les dès qu’ils sont cuits. Préparez la crème au beurre praliné. (Le beurre doit être sorti 30 minutes à l’avance.) Versez 8 cl d’eau dans une casserole, ajoutez le sucre en poudre et faites-le cuire au boulé (120°), pendant une dizaine de minutes. (Une goutte de sirop plongée dans un bol d’eau froide forme une boule ferme.) Pendant ce temps, fouettez les jaunes dans un bol à vitesse moyenne ; versez rapidement le sucre cuit sur les jaunes sans cesser de fouetter. Faites ensuite refroidir en continuant de fouetter pendant dix minutes. Incorporez alors le beurre en morceaux, en fouettant pendant cinq minutes à petite vitesse. Finissez en incorporant le praliné en poudre. La crème au beurre doit être bien souple au moment de son utilisation. Pour monter le gâteau, choisissez le fond de Succès le moins régulier des deux pour la base. Posez-le sur un disque de carton de 20 cm de diamètre. Garnissez ce fond avec la crème au beurre, en en gardant environ 100 g pour masquer le tour du gâteau. Posez le second disque sur la crème en appuyant légèrement. Avec une palette, étalez le reste de la crème tout autour, puis poudrer abondamment le gâteau de sucre glace sur le dessus. Mettez le gâteau au frais pendant une heure. Sortez-le et appliquez la nougatine concassée sur toute la tranche. Servez-le bien frais. Il se conserve pendant 3 jours dans le réfrigérateur en gardant tout son moelleux.
1947 : – Ouverture par Gaston et Colette Lenôtre de leur première pâtisserie à Pont-Audemer, près de Deauville.
1957 : – Première boutique Lenôtre à Paris, rue d’Auteuil.
1964 : – Création du service Traiteur et Réceptions.
1968 : – Inauguration des laboratoires de production et de recherche à Plaisir dans les Yvelines.
1971 : – Création de l’Ecole Lenôtre à Plaisir.
1975 : – Lenôtre inaugure sa première adresse à l’étranger, à Berlin.
1976 : – Prise en concession du Pré Catelan.
1979 : – Ouverture d’une première boutique Lenôtre au Japon, à Tokyo.
1985 : – Accor entre dans le capital de Lenôtre.
– Prise en concession du Pavillon Elysée.
1986 : – Nouvelle enseigne en Arabie Saoudite à Riyad.
1987 : – Lenôtre fait son entrée au sein du Comité Colbert.
1988 : – Nouvelle adresse à Jeddah (Arabie Saoudite).
1992 : – Accor devient actionnaire majoritaire avec 98% des parts de Lenôtre
1994 : – Lenôtre ouvre une boutique en Corée.
1995 : – Nouveau concept de boutique Avenue Victor Hugo à Paris.
1996 : – Nomination de Patrick Scicard au poste de Directeur Général.
1997 : – Lenôtre se développe en Corée et au Japon.
1998 : – Une nouvelle adresse au Koweït et une inauguration à Rabat au Maroc.
– Prise en concession des loges de prestige du Stade de France et de son Restaurant Panoramique.
– Lenôtre est le traiteur officiel de la Coupe du Monde de Football en France.
1999 : – Patrick Scicard est nommé Président du Directoire.
– Ouverture d’une boutique Lenôtre à Las Vegas, dans l’enceinte de l’hôtel Paris.
– Frédéric Anton, Chef des Cuisines du Restaurant Le Pré Catelan, obtient deux étoiles au Guide Michelin
2000 : – Jean-Paul Lespinasse, Président de Accor Afrique, est nommé Président du Conseil de Surveillance de Lenôtre.
– Lenôtre compte au total 10 Meilleurs Ouvriers de France.
– Lenôtre est le traiteur officiel du Club France aux Jeux Olympiques de Sydney
– Olivier Poussier, Chef Sommelier de Lenôtre depuis 1988, remporte à Montréal le titre de Meilleur Sommelier du Monde.
2001 : – Ouverture d’une boutique à Cannes et d’un « Café Lenôtre ».
2003 : – Réouverture du Pavillon Elysée sur les Champs Elysées avec un Café Lenôtre, une Ecole pour amateurs et un Comptoir Culinaire.
– Ouverture d’une boutique Lenôtre en Tunisie.
– Inauguration d’un Café Lenôtre à Bangkok.
2004 – Lenôtre ouvre une école pour amateurs à Cannes.
– Ouverture d’un corner au Sofitel Silom de Bangkok
– Lenôtre est le traiteur de prestige des Jeux Olympiques d’Athènes.
– Ouverture d’un Café Lenôtre et d’une boutique à Doha au Qatar.
2005 : – Lenôtre double le nombre de ses points de vente sur Paris par l’acquisition de 8 boutiques Fauchon.
– Ouverture d’une boutique et d’un Café Lenôtre à Dubaï (E.A.U.)
– Ouverture d’une boutique et d’un salon de thé à Marbella (Espagne)
– Ouverture de 2 boutiques à Bangkok (Emporium et Siam Paragon)
– Le Restaurant Le Pré Catelan rejoint la chaîne Relais & Châteaux – Relais Gourmands
2006 : – Lenôtre est le traiteur de prestige pour la Coupe du Monde de Football en Allemagne.
– Ouverture d’une boutique et d’un salon de thé à Dubaï
– Ouverture d’un restaurant et espace boutique à Abu Dhabi
– Olivier Turlan est nommé Directeur Général
2007 : – Frédéric Anton, Chef des Cuisines du Restaurant Le Pré Catelan, obtient trois étoiles au Guide Michelin
– Ouverture d’une boutique et d’un Café Lenôtre à Séoul
– Ouverture d’une boutique et d’un Café Lenôtre à Riyad
– Ouverture d’un restaurant et d’un espace boutique à Dubaï
– Ouverture d’un Café Lenôtre et d’un espace boutique au Koweït
– Ouverture de la 16ème boutique parisienne et d’un Café Lenôtre Avenue de France
– Ouverture du restaurant Le Pré Lenôtre à Pékin
– Lenôtre est le traiteur officiel de la Coupe du Monde de Rugby
– 50 Ans de la marque, créateur de Haute Gourmandise
– Ouverture d’une boutique à Casablanca
2008 : – Ouverture d’une nouvelle boutique et d’un nouveau restaurant au sein du Villaggio Mall à Doha
– Ouverture d’une boutique et d’un salon de thé Lenôtre à Nice, place Masséna
– Lenôtre crée les pâtisseries du Club France aux Jeux Olympiques de Pékin 2008
– Ouverture d’un corner Lenôtre à l’aéroport d’Abu Dhabi.
© Copyright 2024 Lecoq Gourmand - Tous droits réservés. - Mention Légale