Par lecoqgourmand
Chef trois étoiles Michelin à l’Auberge du Vieux Puits à Fontjoncouse, Gilles Goujon s’est engagé depuis trois ans auprès du géant de la distribution pour les professionnels. Dans cet entretien réalisé pour le magazine Nous CHRD, il nous dit tout sur les différentes missions qui l’occupent aujourd’hui chez Métro.
Nous CHRD – Quel est l’historique de votre rencontre avec Métro ?
Gilles Goujon – J’ai d’abord été un client Métro parce que dans notre petit coin perdu, à Fontjoncouse, il n’est pas facile d’être ravitaillé lorsque l’on a besoin de produits. A Paris il y a Rungis, moi j’ai mes petits producteurs, mais ils ne font pas tout. J’y suis donc d’abord allé pour le tout-venant, au début une fois par semaine à Montpellier, puis quand Métro s’est ouvert à Perpignan j’ai suivi et enfin je suis allé à celui de Narbonne quand il s’est ouvert dans cette ville : ce qui a représenté un gros progrès pour moi puisque mon établissement est situé à 30 kilomètres. On ne peut pas dire que j’étais un client facile. Au fil du temps, j’ai obtenu mes étoiles et j’ai rencontré Pascal Guérard qui était à l’époque le directeur de Métro France. Un jour, il m’a demandé de faire un repas à Paris sur un bateau et c’est ainsi que, d’une certaine façon, tout a commencé.
Nous CHRD – Ce qui veut dire que le repas était réussi…
Gilles Goujon – Oui, car tous les chefs qui y étaient conviés ont pu se rendre compte que l’on pouvait faire de très bonnes choses avec des produits de chez Métro. C’était il y a cinq ans et même si la réputation de l’enseigne avait déjà beaucoup évoluée, pour certains chefs ce n’était pas encore ça. En tout cas, j’ai sympathisé avec Pascal Guérard, nous nous sommes revus par la suite et il m’a fait part d’un point qui le contrariait : à savoir que la plupart des chefs se cachaient lorsqu’ils se rendaient dans ses magasins.
Nous CHRD – Pas vous ?
Gilles Goujon – Pourquoi me serais-je caché ? C’était mon choix et je l’assumais. Je faisais mes courses en veste blanche. Ce qui est certain, c’est que c’est à partir de ce problème posé que l’idée nous est venue de travailler sur l’image de l’enseigne et la communication envers les chefs. Pour moi, il n’y avait aucune raison que le message ne passe pas : Métro proposait de bons produits mais les professionnels n’y croyaient tout simplement pas. On y trouve pourtant les meilleures volailles, viandes et poissons, des produits vraiment exceptionnels et davantage encore aujourd’hui avec le catalogue Premium. Pascal Guérard avait envie que les chefs viennent voir ce qu’il proposait. J’ai accepté de témoigner publiquement de mon expérience et nous avons commencé à travailler ensemble il y a trois ans.
Nous CHRD – Quelle a été la réaction de vos confrères lorsqu’ils vous ont vu porter les couleurs de ce distributeur ?
Gilles Goujon – J’ai eu droit à deux ou trois réflexions, mais j’ai su répondre à chaque fois en argumentant. J’entends encore parfois des rumeurs qui me reviennent et qui disent : « autrefois il allait chez des petits producteurs maintenant qu’il a trois étoiles il va chez Métro. » Mais ça n’est pas ça ! Je travaille toujours avec ces petits producteurs, plus que jamais même. Et je vais aussi chez Métro où je trouve des produits top qualité. Les choses ont bien évolué. Pensez-vous qu’il y a dix ans Métro aurait pu sponsoriser le Bocuse d’Or ? Aujourd’hui, les chefs qui vont chez Métro ne se cachent plus et ils ont bien raison. Même si je ne suis pas le seul à avoir agi dans ce sens, je pense avoir aidé Métro à grandir et de leur côté, ils m’apportent toujours des solutions que je n’avais pas.
Nous CHRD – En quoi consiste votre mission ?
Gilles Goujon – Elle évolue au fil du temps et elle est multiple. Dans cet ensemble, il y a une chose qui me prend beaucoup de temps mais que je trouve magique, c’est le concours « Métro Gilles Goujon ». C’est une compétition qui s’adresse aux chefs, aux maîtres d’hôtel et aux apprentis. Pourquoi avoir intégré les maîtres d’hôtel ? Parce que je trouve qu’on les oublie. On parle régulièrement de tous les corps de métier, jamais d’eux. Pourtant, dès que le plat sort de cuisine, tout est entre leurs mains : ils doivent non seulement maitriser les techniques de la salle comme le découpage, mais ils doivent aussi d’être en mesure de parler du chef, des produits, de l’accord mets et vin. C’est pourquoi j’ai imaginé un concours d’équipe ou un chef vient avec son maitre d’hôtel et un apprenti. J’impose les produits, pas les recettes. L’idée, c’est de voir les produits Métro mis en scène.
Nous CHRD – Comment se déroule ce concours ?
Gilles Goujon – Les candidats sont sélectionnés sur dossier. Sur 35 dossiers cette année nous en avons retenus 6. Sont notées les équipes qui regroupent un chef, un maître d’hôtel, un apprenti et un élève de l’école Ferrandi qui nous accueille. Puis des prix sont remis séparément au meilleur chef, meilleur maître d’hôtel et au meilleur apprenti. Les épreuves se déroulent sur 2 jours : la première est consacrée aux achats, chaque équipe disposant d’une heure pour acheter ce qui lui faut et le deuxième jour est consacré à la réalisation de la recette. Chaque équipe dispose de quatre heures avec cette particularité : le chef doit quitter les fourneaux 1 heure avant la fin de la réalisation de la recette afin de laisser son apprenti, aidé d’un élève, à l’œuvre. Comme dans la réalité : il est au passe. Ensuite, c’est au maître d’hôtel de jouer… Il est possible que cela évolue l’année prochaine : je pense notamment à fixer un budget pour les achats, ce qui, en une heure de temps, peut changer la donne.
Nous CHRD – Les participants gagnent-ils quelque chose ?
Gilles Goujon – Bien sûr. Les 3 premières équipes reçoivent respectivement 10 000, 8 000 et 5 000 euros, le meilleur chef un four, le meilleur maître d’hôtel une cave à vin et l’apprenti un ordinateur…
Nous CHRD – Comment trouvez-vous les candidats ?
Gilles Goujon – Chacun peut s’inscrire mais je demande surtout aux directeurs des Métro de France –ils sont 90- d’aller chercher des équipes dans les régions, et pas seulement des étoilés…
Nous CHRD – La formation est l’autre gros volet de votre mission…
Gilles Goujon – C’est un point qui lui aussi me tient à cœur. En dehors du 15 juin au 15 septembre, je me rends en effet deux fois par mois environ, les lundis et mardis, à l’école de formation Métro qui se trouve à Nanterre. Là, je forme les directeurs, les chefs de rayon et les acheteurs à la connaissance des produits de qualité. C’est indispensable pour en parler ensuite aux fournisseurs et avec les chefs, pour bien comprendre les attentes de la clientèle. D’autant que ma démarche consiste à les impliquer de plus en plus dans les référencements qu’ils sont amenés à faire en région. Métro dispose d’une centrale d’achat, mais chaque directeur localement a toute latitude pour référencer des petits producteurs. Et cela se fait vite désormais. Alors qu’il fallait trois ou quatre mois il y a quelques années, il suffit aujourd’hui de 15 jours pour référencer un petit producteur. Ce qui veut dire que l’enseigne peut faire preuve de la réactivité dont ont besoin les professionnels. C’est important, car le fait de savoir que les Métro peuvent proposer les références dont ils ont besoin permet d’éviter aux chefs de parcourir des dizaines de kilomètres et c’est également plus simple du côté gestion. Si un chef le souhaite, Métro peut référencer un producteur qui l’intéresse.
Nous CHRD – Comment faites-vous pour sensibiliser vos interlocuteurs à la qualité ?
Gilles Goujon – Au-delà de la théorie, il y a la pratique. Je cuisine donc, un produit de moindre qualité et un bon produit : cela permet concrètement de faire la différence. C’est essentiel, car dans ma formation je leur apprends aussi comment dialoguer avec les chefs, comprendre leurs attentes et être à leur écoute. La connaissance du produit est le premier lien.
Nous CHRD – Cette ouverture aux petits producteurs est-elle réellement compatible avec une grosse machine comme Métro ?
Gilles Goujon – Mais bien-sûr ! Je suis en train de créer pour cette enseigne le Club Food produit. Il y a l’intérieur de Métro plein de gens passionnés par ce qu’ils font, qu’ils soient directeurs ou acheteurs. Mais c’est vrai aussi que la dimension de l’entreprise ne favorise pas naturellement les connections entre les magasins. C’est pour y remédier que j’ai créé ce club de partage de découvertes : quand un membre du club cherchera tel ou tel produit il pourra interroger les autres membres du club répartis sur toute la France qui pourront lui répondre dans la minute s’ils connaissent le fournisseur recherché. C’est un gain de temps pour les acheteurs et cela crée une dynamique de groupe vers toujours plus de qualité. C’est aussi une chance pour plein de petits producteurs qui vont trouver ainsi des débouchés inattendus. A chaque fois qu’il aura échange : tous les membres du club pourront le suivre en direct. Ce club est une nouveauté qui signifie bien que le distributeur se donne tous les moyens pour répondre aux attentes des professionnels
Propos recueillis par Bruno Lecoq
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