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Je me suis rendu en fin de journée rue du Vertbois, jeter un œil sur cette Jeune Rue dont on nous rabat les oreilles depuis quelques semaines… « Jeune Rue » qui doit révolutionner Paris et permettre l’implantation dans la capitale de quelques commerces – 36 exactement– dédiés au bien manger et à l’esthétique. D’abord, autant le dire de suite, j’ai été déçu : cette rue – ce pâté de maison puisque quelques rues adjacentes sont concernées par le projet- n’est pas la plus belle du quartier, loin s’en faut, où la Cité du Petit Thouars (Paris 3e) montre un charme tellement plus évident et authentique que l’on pense d’emblée à une erreur de casting. Et que l’on puisse investir ici – c’est ce qu’annoncent mes confrères émerveillés- 30 millions d’euros sur le projet tel qui nous est présenté me laisse sans voix. Mais bon. Le concept, vous le connaissez tous. Il est né dans la tête d’un homme d’affaires (appellation passe-partout pour désigner un personnage qui aurait fait fortune), dont on sait finalement peu de choses en dehors des informations qu’il a bien voulu divulguer. Je vous le résume à ma façon pour la forme : il s’agit de créer une rue du bien manger où se succèderont des commerces de bouche de belle qualité (produits sélectionnés chez les meilleurs producteurs de France), quelques restaurants thématisés –tendance bobo assumée- et quelques adresses en complément culturel : galeries, cinéma. Sur le papier, c’est top. D’autant plus « top » que les plus grands designers de la planète sont associés à l’aventure et que la rue devrait être transformée (pour 36 boutiques en tout cas) en laboratoire de la création contemporaine.Vertbois-1848

De quoi attirer le chaland et les bobos du monde entier, avec une idéologie humaniste revendiquée par le promoteur : amener le meilleur de l’alimentation à une clientèle en quête de sens. Pourquoi pas ? On nous dit encore que les banques ont suivi, qu’une centaine de personnes travaillent sur la chose et que tout ceci va révolutionner notre capitale qui en a bien besoin. Très bien. Il n’y a pas de bons commerces de bouche à Paris ? Il n’y a pas de restaus sympas dans le quartier ? Admettons tout ça. Mais la première impression qui m’est venue ce soir – alors que ces commerces n’ont pas encore ouvert et qu’il ne semblait pas y avoir une activité particulière- c’est que l’effet d’annonce semble un peu démesuré par rapport à ce qui pourrait se produire ici, d’autant que le quartier regorge de placettes, de ruelles et d’adresses déjà adoptées par la clientèle locale qui ne va peut-être pas tout plaquer d’un coup pour muter dans cette rue qui fait un peu trop parler d’elle avant d’avoir démontré son utilité. Et qui, faute de places pour se garer, ne va pas conduire non plus le gourmet du 16e –qui a déjà tout ce qu’il faut en bas de chez lui- à s’aventurer ici pour grossir le lot des clients. Le bobo existe, le piège à bobo aussi. Et la vraie question est de savoir ce que son portefeuille, réputé garni, sera capable de digérer. Je ne fais pas de procès d’intention et je trouve plutôt audacieuse l’initiative de Cédric Naudon.  Mais je crois sincèrement qu’il faut attendre de voir avant de crier au génie comme le fait une majorité de mes confrères. Je ne connais pas la finalité du projet – repose-t-il sur une forte valorisation de l’immobilier commercial ?- mais en toute modestie je me permets d’en dire que je le trouve un peu mégalo et présomptueux. Je trouve aussi –plaise à dieux et à la BPI que je me plante- que la rue retenue pour implanter ce projet n’a pas vraiment la gueule de l’emploi. Mais comme dirait l’autre, je me suis déjà trompé et je me tromperai encore. C’est donc à suivre.

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