Par lecoqgourmand
Entre les Tuileries et la Place Vendôme, Le Carré des Feuillants reste une maison à part. Un grand restaurant avec à sa tête un grand chef – Alain Dutournier- qui entre droiture, maitrise, culture et inspiration fait honneur à la cuisine française.
Si les quatre salons de la rue Castiglione affichent aussi souvent complets, c’est que l’adresse est bonne et sans doute un peu exceptionnelle puisqu’il faut la deviner sous les arcades de cette artère historique. Découvrant un décor contemporain et coloré, illustré d’œuvres d’art choisies avec un goût sûr ; des tables chics élégamment dressées, bien espacées pour préserver l’intimité des hôtes : tous les codes d’un certain art de vivre à la française, immuable, confortable et tellement plaisant sont au rendez-vous de cette maison du bonheur qui, grâce à la bévue du Michelin 2019, est aujourd’hui redécouverte par de nombreux parisiens curieux de se faire une idée par eux-mêmes.
Dieu qu’ils ont raison ! Tout a été dit sur les incohérences du guide, ses partis-pris, son amateurisme (…) qu’il n’est pas indispensable d’en rajouter. D’autant que le maître des lieux, qui maitrise la langue de Racine comme peu de chefs, n’a pas eu besoin de Plaideurs pour défendre sa cause. Ses arguments ont fait mouche et ils ont ouvert un nouveau chapitre dans l’histoire du Michelin qui a, soyons clairs, perdu par l’outrecuidance de cette sanction l’autorité qui lui était autrefois concédée. Mais ce n’était qu’une concession… Passons.
Porteur d’une émotion gustative
Déjeuner dans cette maison avec une personne qui vous est chère, à qui l’on souhaite faire plaisir, c’est vraiment la bonne idée du moment. La dimension humaine du Carré des Feuillants, presque « artisanale » – artisan d’art bien sûr- ne fait que conforter cette première impression qu’illustre avec une élégance naturelle une équipe de salle parfaitement rodée. Ce qui fait que, d’où qu’on vienne, on se sent bien dans ces murs où la carte donne le ton : tradition, mise en avant du produit, des vins, recherche, tentations… Les recettes énoncées ne servent pas ici l’égo d’une starlette en quête de like, non, elles sont là, clairement évocatrices, pour vous ouvrir l’appétit. L’œil lorgne sur le menu « découverte » en 8 services qui prend des allures de douce provocation tandis que la carte, idéalement équilibrée, fait défiler les gourmandises de saison entre produits nobles et suggestions irrésistibles. C’est donc l’instant de vérité. Le chef a-t-il oui ou non perdu la main, l’inspiration, l’envie ? Assurément non et loin de là. Egal à lui-même, Alain Dutournier poursuit sa réflexion gourmande avec des plats superbement construits, réalisés -maitrise parfaite des cuissons- et en même temps porteurs d’une émotion gustative qui séduit le palais. Je ne vais pas énumérer l’ensemble des plats dégustés lors de ma visite mais en citer quelques-uns qui (j’insiste un peu) méritent tous clairement 3 étoiles. C’est à l’évidence le cas de l’huitre d’Arcachon, caviar Ebène et feuilles au goût d’huitre qui réussit le subtil échange entre iodé et salé avec une texture étonnante pour ce tartare d’huitre « Spéciales » de Joël Dupuch. Le cas aussi avec le velouté mousseux de châtaignes et truffes blanches râpées, un classique, onctueux, parfumé, porteur d’un sentiment rare en cuisine : l’évidence. Et c’est sans aucun doute encore le cas avec le plat star de cette carte hivernale, la truffe en coque de truffe – truffe noire cuite entière l’étouffée dans sa coque de truffe- qui est bien davantage qu’une prouesse mais une déclaration à ce champignon précieux qui se retrouve ici sublimé, sans artifice inutile…. Du très grand art ! Un dernier témoignage ? La caille des prés, truffe et foie gras proposée à la façon d’un pâté en croûte envoutant que stimulent un chutney poire, une tapenade de truffe et quelques éclats de noisettes. Franchement, ne pas trouver son compte devant cette cuisine généreuse, toute en allégresse et subtilité, ne pas éprouver d’émotion en face de ces produits si bien choisis et magnifiés, et finalement faire la moue devant cet ensemble – table, cave (sublime), maison, équipe- c’est ne pas comprendre grand-chose à ce qui fait la grandeur de la gastronomie française.
Menus : 68 € (dej) 98 € (vin compris/dej) et 220 € pour le menu découverte.
Carte : à partir de 150 € (entrée, plat, dessert) hors boisson
Le Carré des Feuillants
www.carredesfeuillants.fr
14 rue de Castiglione, 75001 Paris
01 42 86 82 82
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